L'Union des Comores, archipel morcelé et État fragile depuis son indépendance en 1975, est le théâtre d'une lutte d'influence constante qui mine sa souveraineté. Les décisions politiques à Moroni ne sont pas seulement le fruit de la volonté interne ; elles sont le reflet de pressions extérieures complexes – diplomatiques, financières et religieuses – qui exploitent la faiblesse institutionnelle chronique de l'État (Source 1.1, 1.2). Le pays, marqué par un chiffre effarant de 21 coups militaires (manqués ou réussis) depuis 1975 (Source 1.2), est structurellement vulnérable aux chocs externes, ce qui en fait un point d'ancrage facile pour les agendas étrangers.
La France : L'Héritage Toxique de Mayotte et le Vrai Coût de la Coopération
La relation avec la France est la pression extérieure la plus ancienne et la plus douloureuse, structurant la politique comorienne autour de la question de Mayotte.
Le Chantage de la Coopération : La coopération franco-comorienne, bien que définie par des accords visant le développement, est intrinsèquement fragilisée par le conflit territorial (Source 2.3). La France, tout en étant un partenaire économique clé (soutien au secteur de la justice, de la santé, de l'éducation – Source 2.4, 2.1), utilise de facto cette aide pour maintenir une position diplomatique forte face à Moroni, contrainte de négocier sans cesse sur la question de la souveraineté de la quatrième île.
La Crise du "Visa Balladur" et l'Aide au Pillage : La mise en place du "Visa Balladur" en 1995, obligeant les Comoriens à obtenir un visa pour se rendre à Mayotte (territoire français), a créé un drame humain et une crise d'État majeure. Les autorités comoriennes ont été accusées d'une « complicité active » dans l'organisation des départs illégaux par kwassa-kwassa, une usine produisant ces embarcations fragiles n'ayant jamais été inquiétée à Anjouan (Source 1.6). Cette inaction, perçue comme un alignement passif ou une incapacité délibérée à défier la puissance française sur cette question, met en lumière la puissance de la pression exercée par le voisin riche sur les décisions de sécurité nationale et l'intégrité territoriale.
Les Pétrodollars et la Radicalisation Silencieuse
Une pression plus récente et insidieuse provient des États du Golfe, notamment l'Arabie Saoudite, qui utilise l'aide financière et l'influence religieuse pour orienter la politique intérieure comorienne.
L'Alignement Géopolitique Forcé : Les aides saoudiennes, essentielles pour un pays aux capacités institutionnelles faibles et à l'économie peu diversifiée (Source 1.1, 1.2), ne sont pas inconditionnelles. Elles sont souvent versées en échange d'un « alignement géopolitique » clair (Source 1.6).
Conséquence : Cet alignement s'est traduit par une « radicalisation religieuse » aux côtés de l'Arabie Saoudite, notamment contre le Qatar et l'Iran, s'accompagnant de persécutions anti-chiites (Source 1.6). Les décisions politiques internes, y compris la politique religieuse et l'ingérence dans les communautés, sont ainsi dictees par des bailleurs de fonds étrangers.
L'Influence des Imams Étrangers : L'État comorien est également sous influence religieuse par des imams formés à l'étranger (dans les États du Golfe, au Soudan, au Pakistan), contribuant à une tendance à la radicalisation de certains individus et créant une nouvelle source d'inquiétude nationale (Source 1.6). L'éducation religieuse et, par extension, l'orientation sociétale, échappent ainsi partiellement au contrôle souverain de Moroni.
Conséquences : Pauvreté, Corruption et Dépendance Budgétaire
Les conséquences de cet état de "sous influence" sont dévastatrices pour le développement national et la légitimité des institutions.
Dépendance Volatile : Les Comores souffrent d'une « forte dépendance vis-à-vis de recettes extérieures volatiles » (dons et transferts de la diaspora), ce qui sape la dynamique des réformes structurelles et rend la planification budgétaire à moyen terme extrêmement difficile (Source 1.2).
Corruption et Faiblesse Institutionnelle : La pression extérieure, combinée aux crises politiques antérieures et au déficit de gouvernance, se traduit par une « très faible capacité institutionnelle » (Source 1.1) et une corruption qui reste une préoccupation majeure (Source 1.1).
Détournement des Ressources : Les aides au développement, y compris les fonds communautaires, ont été qualifiées d'« instrument politique » des régimes successifs, avec des « choix partisans » dans la sélection des projets à financer (Source 1.7). Ce détournement des fonds par le politique, sous pression des donateurs, alimente la méfiance des populations envers les institutions publiques (Source 1.1).
Le PIB par habitant stagne, et la pauvreté reste endémique (45 % de la population sous le seuil de pauvreté – Source 2.1), faisant des Comores un État post-colonial fracturé où le prix de la survie économique est payé par l'abandon de sa souveraineté aux agendas étrangers.
Sources de l'Enquête
1.1 Document de Stratégie Pays 2016-2020 – Groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD) 1.2 Pour une Union des Comores plus unie et plus prospère – Banque Mondiale (2013) 1.6 Comores (pays) – Wikipédia (Contient des références vérifiées sur les aides saoudiennes et l'affaire des kwassa-kwassa) 1.7 Situation de crise et résilience sociale aux Comores – OpenEdition Journals (2023) 2.1 Document cadre de partenariat entre la France et l'Union des Comores 2013-2014 – Ministère des Affaires Étrangères, France 2.3 La politique de coopération de la France aux Comores, 1978-1997 – Thèses.fr 2.4 Coopération française aux Comores – Ambassade de France en Union des Comores
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